16.7.06

b, a, bac

Puisque le Capitaine Poilauque s'autorise à utiliser sa propre expérience biographique afin d'apporter des jugements définitifs sur notre jeunesse à 85% bachelière, je vais utiliser le même procédé, afin d'apporter quelques nuances à son propos.
Je vais donc raconter quelques étapes de ma longue vie, précisément je n'évoquerai que les épisodes où j'ai eu l'occasion d'avoir le bac.
Afin d'attester la vérité de mon propos, je n'hésiterai pas à fournir un certain nombre de documents authentiques.

Mon premier bac
Aussi loin que me reporte ma mémoire, j'eus mon premier bac en 1736 dans la bonne ville de Dresde. Je ne peux remonter plus loin dans le temps. Peut-être avais-je déja obtenu ce diplôme mainte et mainte fois auparavant. Toujours est-il que je ne m'en souviens pas. Je considère donc que ce bac de 1728 est mon premier bac, d'autant plus que je n'ai gardé aucune archive de possibles bacs antérieurs.

L'examen attentif des trois documents qui suivent permettra au lecteur de comprendre combien la passion partisane aveugle parfois le Capitaine Poilauque.

En effet, que constatons-nous, même après un bref coup d'oeil ?
1°) Le critère de la blondeur(fig.1) de la tête est-il bien aussi universel que le prétend le Capitaine Poilauque? (On se souviendra tout de même que la qualité des cabines Photomaton de 1728 était loin d'égaler celle d'aujourd'hui, surtout à Dresde, où des groupuscules proto-hitlériens, dès 1715, n'hésitaient pas à retoucher les clichés à la gouache blonde, on devine bien pourquoi...)
Passons sur la couleur.

2°) Une analyse approfondie du document montre par ailleurs que Bebereulnanar a pu obtenir son bac avec mention assez-bien, grâce à l'option "bigoudis", à laquelle il s'était inscrit dès la rentrée de 1727, car il n'ignorait pas que seuls les points au-dessus de la moyenne étaient comptabilisés. La réussite tient souvent à de telles petites lâchetés.

fig.1
Portrait de Bebereulnanar
(1728)
Pinacothèque de la Waffen-SS
Dresde 1944


Les documents 2 et 3 reproduisent le diplôme du bac, recto verso, tel qu'il me fut remis en 1728.

Le recto (fig.2a) montre à l'évidence combien l'orthographe, quoi qu'en dise Capitaine Poilauque, a fait bien des progrès depuis cette époque. Bien que les autorités académiques eussent tenté de dissimuler leurs carences orthographiques derrière une calligraphie si soignée qu'elle confine au ridicule, on remarquera sans peine que le seul mot à peu près reconnaissable du document est le mot "BAC". On ne pourra réprimer un sourire à la vue de ce "h" inutilement ajouté à un mot qui se suffit bien à lui même.

Quant au reste du texte, il s'agit visiblement d'un remplissage dénué de tout sens, où seuls les falbalas superfétatoires de la graphie présentent quelque intérêt, pour un amateur de biscornu.

fig.2a

fac similé du diplôme

de Bebereulnanar (recto)

(collection particulière

don de J.S. Ruisseau)

Le verso (fig.2b) présente la traduction du recto dans le langage des sourds-muets.

Cette traduction part d'un bon sentiment : on ne saurait critiquer une initiative visant à mettre à la disposition des handicapés une version adaptée des documents administratifs les plus courants.

Deuxième avantage (qu'on me permette un petit bémol : hélas réservé aux seuls unijambistes) : à qui n'est ni sourd, ni muet, cette traduction fera une belle jambe.

fig.2b

Fac similé du diplôme

de Bebereulnanar (recto)

(collection particulière Albert Schweitzer

don de Blaise Cendrars)

Mon deuxième bac

En 1902, je passai une deuxième fois le bac, cette fois-ci, et pour les mêmes raisons que plus haut, je pris en option "équitation". Ce qui me valut une mention "bien", car je fus le seul à oser cette option, comme en témoigne le document.

Le Président du jury (à gauche) me tient fermement la main après m'avoir fait subir l'épreuve dite "montage à cru".

Notez que les exigences orthographiques ne s'étaient guère améliorées : "à cru" s'écrivait "du Brault". Quant à la syntaxe, elle n'est pas plus respectée : on peut lire "bac du passage", alors que de toute évidence on aurait dû écrire "passage du bac".

Quel bachelier de 2006 commettrait de telles fautes grossières, même sur son portable?

Mon troisième bac

Dix-huit ans plus tard, je décidai de me présenter de nouveau aux épreuves du bac, cette fois-ci dans le sud de la France. Je choisis l'option "météorologie occitane". Le diplôme (fig.3) qui me fut décerné ne me fut jamais d'aucun secours, bien qu'il eût été gravé dans une plaque de marbre et sommairement électrifié.

Il n'inspirait confiance à personne, et surtout pas à mes éventuels employeurs : aucun ne comprit quoi que ce fût de ce salmigondis, d'où émergeait à peine, et en pure perte, le mot "bachelié"(sic!).

Encore une fois, j'entendis résonner à mes oreilles cette bonne vieille phrase, marquée du coin du bon sens : "Pauvre France, tout fout le camp, surtout ton orthographe ! Encore un coup de l'électricité !"

Mon quatrième bac

Je passai mon bac pour la quatrième fois en 1968. Je choisis un bac option "à sable", escomptant encore une fois je ne sais quelle indulgence du jury. (Je me présentai déguisé en unijambiste, espérant refaire le coup de 1728)

A mon grand regret, je fus recalé. On jugea que la copie que je rendais était pleine de pâtés, allez savoir pourquoi !

Je repassai les épreuves en septembre, mais entre-temps, la rumeur avait couru qu'on donnait le bac à tout le monde. Des gens de tous âges se présentèrent, et le jury, dépassé, décida de faire un exemple, et recala le seul jeune candidat (c'était moi), au prétexte que les vieux ont toujours raison. La droite était revenue au pouvoir. Je l'appris à mes dépens.

Mes bac suivants

Dégoûté, je ne passai plus le bac que de temps en temps, sans enthousiasme. J'avais la sensation que depuis cet épisode gauchiste, la France partait à vau-l'eau. A preuve les options que je choisissais, qui montraient combien les valeurs se perdaient dans notre beau pays :

bac option "à glacons"

bac option "à légumes"

bac option "à ordures"

etc, etc...

On voit la décadence.

Le coeur n'y était plus : j'étais fondu dans la masse de 85% des Français.

Même le bac option "à sable" que je repassai sur le tard (je n'aime pas l'échec) ne m'apporta pas la consolation espérée.

Les cinq candidats qui avaient choisi le bac option "à eau" arrivèrent avant moi dans le palmarès. (c'est ainsi qu'on dit à présent "la palmeraie de Fèz", ah, elle est belle, la francophonie ...)

Je l'obtins tout de même, ce bac option "à sable".

Ultime dérision, avec mention "passable".

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