9.6.06

Où l'on verra la théorie fumeuse du Capitaine Poilauque sur l'irrépressible vocation des professeurs d'allemand mise à mal par Bebereulnanar...


Tout petit, le futur professeur d'allemand rêve d'être Wotan, ce qui est normal, compte tenu de son jeune âge (il est encore au berceau, et son papa écoute en boucle l'oeuvre complète de Wagner, par Herbert von Karajan, chez Deutsche Gramophon, le soir, à la veillée)

.

Puis, peu à peu, la dure réalité s'impose à lui. Il modère peu ou prou ses ambitions et se dit :"A défaut de Wotan, je pourrais bien être Siegfrid ! Ka zelanetienn!" (il ne maîtrise encore ni tout à fait la langue de Voltaire, ni celle de Eichman). Il s'imagine donc ainsi :

Ce qui n'est pas si mal. La barbe est plus courte, le casque moins imposant, mais pour le reste, il y a à peu près ce qu'il faut pour tenir en respect ses petits camarades de crèche.

Hélas, un jour funeste, il se rend bien compte qu'il faut ranger ce rêve fou dans le même placard que le Père Noël, dès qu'il a su qu'outre-Rhin, on nommait ce dernier Weinachtsman : comment croire à un Père Noël qui pourrait porter un nom pareil ?

C'est décidé. Pour son huitième anniversaire (il ignore encore qu'on dit Geburstag, le pauvre petit chéri! heureuse innocence...),

voila la panoplie qu'il va demander, cela semble plus raisonnable :

(Jamais il ne ne comprit pourquoi Simon Cohen-Bloch, le débonnaire vieillard qui tenait le magasin de jouets du quartier, et dont tout le monde louait cette prodigieuse mémoire qu'il avait su garder malgré son grand âge, jamais il ne comprit pourquoi ce doux commerçant le chassa du magasin, le tenant suspendu par une oreille jusqu'à la porte, qu'il lui fit franchir d'un coup de pied au cul.)

Ce n'est qu'à l'heure de choisir sa première langue vivante, à son entrée en sixième, qu'il saisit combien son père, qui avait autrefois bâti sa petite fortune sur le négoce de beurre au détail, sait deviner en lui des dispositions pour la langue de Goëring, dont il gardait lui-même quelques notions, difficilement acquises sous l'Occupation. (Il n'oubliait jamais de mettre, même mentalement, une majuscule à ce mot, chaque fois qu'il évoquait cette période, hélas trop vite révolue. En soi, c'était déja un subtil hommage qu'il rendait à cette langue qu'il avait tant aimée).

Pendant qu'il remplissait toutes ces formalités au secrétariat du collège, l'enfant , à la maison , proposait un jeu innocent à sa petite cousine :"Si on jouait au Docteur Mengele?"

Ensuite, la vie ne fait que reprendre son cours. Ses études sont brillantes, et il accède sans difficulté au professorat d'allemand, et il franchit même sans coup férir quelques échelons de la hiérarchie de l'Education Nationale. Il peut ainsi (<--clic) assumer ses rêves d'enfant.(*)

On voit bien qu'il n'a rien à se faire pardonner : sa conscience est limpide.

Tout au plus pourrait-on interpréter la consolation que ce parcours apporta à son vieux père, comme une revanche prise sur la regrettable défaite du IIIème Reich, qu'il ne digéra jamais tout à fait, à cause du tort qu'elle porta au petit commerce.

Voila donc battues en brèche les fumeuses théories du Capitaine Poilauque.

Qu'il se le tienne pour dit, et qu'à l'avenir, il se contente d'ergoter sur l'influence des chansons de Joan Baez dans la prise de conscience politique des élèves de seconde, sous la férule d'un professeur d'anglais gauchiste dans les années 70. La défense, même tardive, de Sacco et Vanzetti, vaut bien cette chandelle !

(*) traduction approximative pour les béotiens qui ne maîtrisent pas la langue de Klaus Barbie :

"On dit : Bonjour, Cher et Honoré Monsieur le Proviseur, c'est compris ?"

Aucun commentaire: